Une pédagogie centrée sur l’action
Une compétence constitue une capacité virtuelle à mettre en oeuvre des
savoirs et des savoir-faire, devenus connaissances actives et transférables.
Elle n’est pas une addition ou une restitution de savoirs et savoir-faire isolés,
mais elle mobilise les connaissances 7 de l’élève dans la réalisation d’une tâche
complexe nouvelle ou analogue à celles déjà rencontrées.
Ainsi, une pédagogie des compétences se fonde-t-elle sur le potentiel d’action
que peut développer un élève face à une situation problématique plutôt que sur
un relevé de ses acquis. Développer une pédagogie des compétences
consistera à apprendre à l’élève à transférer, à intégrer ses connaissances
dans des contextes divers.
« Il s’agit donc d’acquérir des outils pour accomplir des tâches et non plus
seulement d’acquérir un comportement déterminé. En mathématiques, les
règles de suppression des parenthèses, par exemple, n’ont de véritable sens
que si elles sont mises au service, avec d’autres règles, de la résolution d’un
problème. La compétence est donc par définition complexe et intégrée. »8
Il convient dès lors, non pas de supprimer les apprentissages susceptibles
d’installer les savoirs et les savoir-faire, mais de lutter contre l’accumulation de
connaissances inertes, cloisonnées9, vues pour elle-même et non dans
l’optique de la résolution d’un problème.
Ainsi, Romainville rapporte 10 : « A longueur de journée, les enseignants
s’époumonent à enseigner un grand nombre de matières. Les élèves semblent
les maîtriser un temps, du moins dans le cadre de l’examen. Mais tout se passe
comme s’ils s’empressaient, dès la fin de cet examen, de les oublier ou, du
moins, de ne plus les mobiliser dans la vie quotidienne. Les élèves semblent
donc avoir stocké le contenu d’un cours dans un tiroir de leur cerveau portant
comme étiquette le nom de ce cours, voire le nom du (professeur). Bien qu’ils
soient capables d’ouvrir ce tiroir lors de l’évaluation, ils s’empressent de le
refermer à jamais sitôt cette évaluation terminée. Quand ils sont confrontés
dans la vie quotidienne, à une situation qu’ils pourraient mieux maîtriser grâce
à ces connaissances, ils font au contraire appel, plus spontanément, à leurs
conceptions personnelles de départ, qui semblent n’avoir jamais été remises en
question par les savoirs savants enseignés à l’école. Leurs connaissances
spontanées semblent comme imperméables aux apprentissages scolaires. Les
didactiques des sciences ont bien mis en évidence ce phénomène de « savoirs
morts » (Giordan et De Vecchi, 1987, par exemple). Dans un contexte de crise
économique qui n’en finit pas, la société ne s’accommode plus de ce résultat et
souhaite que l’école dote les élèves de savoirs « vivants » susceptibles d’être
mobilisés pour la résolution de problèmes du monde qui les entoure. »
7 C’est-à-dire les acquis de savoirs et de savoir-faire.
8 Compte rendu des séminaires relatifs à la construction des savoirs et à l’approche pédagogique par les
compétences, Communauté française, Formation en cours de carrière des chefs d’établissement.
9 On parle de connaissances déclaratives (je sais que…), procédurales (je sais comment..), conditionnelles (je
sais quand et pourquoi …). Les connaissances restent inertes si l’élève ne parvient pas à les réutiliser sous la
forme conditionnelle.
10 M. Romainville, Sous les réformes… les défis, in Revue Wallonie, juillet 1998, page 48.
Fondements d’une didactique des compétences
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Roegiers11 ajoute : « Un fossé se creuse imperceptiblement entre l’école, qui
contribue souvent à distiller des savoirs ponctuels, et les situations auxquelles
elle est sensée préparer les élèves. Les élèves habitués, dès leur plus jeune
âge, à aborder des savoirs de façon séparée, continuent souvent à raisonner
plus tard de façon cloisonnée, même dans des situations simples. Des
recherches internationales comme celles de Carraher, Carraher & Schliemann
(1985), Sotto (1992) ou encore Sotomayor (1995) ont par exemple montré
combien il existait à travers le monde ce que l’on appelle des « analphabètes
fonctionnels », c’est-à-dire des personnes qui ont acquis des connaissances à
l’école primaire, mais qui sont incapables d’utiliser ces connaissances dans la
vie de tous les jours :
ils peuvent déchiffrer un texte, mais sont incapables d’en saisir le
sens et, partant, d’agir en conséquence ;
ils peuvent effectuer une addition, mais quand un problème de la vie
de tous les jours leur est posé, ils ne savent pas s’il faut faire une
addition ou une soustraction ;
ils connaissent les formules mathématiques par coeur, mais ils sont
incapables de les utiliser de façon pertinente dans une situation
donnée, etc. »
Une pédagogie par compétences permettra à l’élève d’intégrer les
connaissances dans des situations concrètes où elles apparaîtront comme
d’indispensables outils qu’ils structureront progressivement avec leurs
connaissances personnelles de départ.
Une des missions les plus importantes de l’école consistera donc à donner à
l’élève à la fois les outils intellectuels, mais aussi socio-affectifs 12 pour soutenir
leur action de résolution de problème.
Le référentiel des Socles de compétences précise 13 à ce propos que l'élève
devra mobiliser ses compétences dans des situations de plus en plus variées et
de plus en plus complexes.
Enseigner consistera dès lors à placer l'élève dans des situations lui permettant
de mettre en oeuvre des ensembles organisés de savoirs, de savoir-faire et
d'attitudes assurant la maîtrise progressive des compétences fixées par les
référentiels.